Atochem

    Les Peintures Murales de Sergio de Castro

    Certaines sociétés industrielles, fondations ou entreprises ont souvent tenu à placer dans leurs locaux des œuvres représentatives d’artistes de renom. Elles ont aussi, moins souvent peut-être obtenu de l’artiste une œuvre où celui-ci, tout en s’exprimant pleinement, met en valeur la vocation et la personnalité de la société commanditaire : ces démarches rappellent le rôle des mécènes de la Renaissance.
    Pour envisager une réalisation de la sorte, fallait-il encore trouver un artiste capable d’intégrer son art à un environnement préexistant, et l’imposer au-delà de toute contrainte.
    D’emblée, Castro, allant à l’essentiel, proposa comme thème le mot ATOCHEM et les symboles utilisés par la nomenclature chimique.
    Les trois peintures murales de Castro, et tout particulièrement le polyptique, présentent un rapport formel surprenant avec les Apocalypses espagnoles de l’an mil.

    Le Polyptique

    L’ensemble du polyptique peut s’interpréter comme une triple image : la puissance matérielle des éléments (diptyque horizontal), la réserve à observer à l’égard de cette puissance, ainsi que la recherche indispensable à sa maîtrise (grande roue) : le rayonnement bénéfique que la science peut obtenir de la matière par sa transformation et sa re-création (couronnes superposées).
    Chacune des sept compositions circulaires qui forment le polyptique a une présence et une dynamique particulières. Leurs rayonnements conjugués peuvent être ressentis aussi bien en référence à l’espace infinitésimal des atomes, qu’à celui où se déploient les constellations.

    Abécédaire et chiffres

    Il s’agit d’un diptyque en hommage à la nomenclature chimique : à gauche, Abécédaire, à droite Chiffres. Il mesure ensemble 1m 72 de hauteur sur 4m90 de largeur. Castro a choisi de nommer « Abécédaire » et non « alphabet » car un abécédaire est un livre d’apprentissage de la lecture. Ce mot « lecture » pouvant relever d’un double sens : la lecture littéraire et la « lecture » plastique. Tandis que l’alphabet est la liste de toutes les lettres servant à transcrire les sons d’une langue, liste disposé selon un ordre conventionnel.

    Abécédaire est composé sur deux registre horizontaux. Sur le registre supérieur sont écrites les cinq voyelles de l’alphabet français ; sur le registre inférieur, à une échelle plus petite, les vingt et une consonnes. Cette disposition rend visible le rapport entre les consonnes et les voyelles. Le rythme des formes et des couleurs compose une sorte d’envol des consonnes vers les voyelles. Les consonnes correspondant aux voyelles étant placées au-dessous de celles-ci. L’artiste déclare vouloir montrer dans cette œuvre comment « les voyelles démutisent les consonnes »
    Trois paires de couleurs jouent dans la composition : noir et blanc, rouge et bleu, jaune et vert. Chaque couleur est bâtie sur un dessous d’une autre couleur, soit douze couleurs en tout.

    Chiffres est également composé de deux registres : en haut le zéro et les quatre chiffres pairs ; en bas les cinq chiffres impairs ; l’échelle des chiffres étant identique sur les deux registres.
    Cette disposition rend visible la fonction du zéro – sifr en arabe, d’où le mot chiffre – qui est une grande « invention » des chiffres arabes ; ainsi que la place privilégiée du chiffres 5, assimilé au symbole de l’homme.
    Quatre paires de couleurs jouent dans la composition : deux noirs, deux blancs, deux gris, deux bleus. Ces huit couleurs sont bâties sur huit dessous différents, soit seize couleurs en tout.